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2 Le rêve éveillé...

  • Photo du rédacteur: Clement Clasquin
    Clement Clasquin
  • 24 févr. 2019
  • 4 min de lecture

Le 10/11/2018

8 :40

Marion Dufresne au mouillage/ Baie du marin / île de la possession / Archipel de Crozet / Terres Australes Françaises

NOUS Y SOMMES!!!!!!!!!! Après 5 jours de mer cap au sud, nous avons atteint l’archipel de Crozet le 8 novembre. C’est le premier des 3 districts des Australes que le Marion Dufresne ravitaille. Le bruit de l’hélicoptère qui ne cesse de faire la navette entre le bateau et la terre fait trembler l’écran de mon ordinateur.


Que de chemin parcouru depuis les au revoir en métropole ! Je me trouve à présent à plus de 11 000km de chez moi, soit plus de 7 fois la distance entre mes Vosges et Naples en Italie où nous avions l’habitude de nous rendre au bout de 14h de route avec mes parents. Je commence à réaliser l’ampleur de cette aventure. Depuis l’île de la Réunion, nous avons parcouru 3 000 km en bateau à une moyenne de 30km/h. Tu te réveilles le matin, tu ouvres ton hublot… l’océan à perte de vue… petit tour sur le pont, c’est pareil à 360°… rien. L’eau, les vagues, quelques pétrels noirs qui jouent sur l’océan avant de disparaître dans un ciel sans avions.


L’océan à perte de vue.. Sentiment d’humilité


Souvent le vent est au rendez vous... Accrochez vous!



Pour vous faire une idée de ma vie de marin, voilà quelques sujets divers :


Notre bateau : Le très fameux Marion Dufresne (deuxième du nom)

C’est la maison. Tout s’y passe, tout dépend de lui : on y dort, on y mange, l’hélicoptère y décolle et y stationne la nuit, on y travaille, on y fait des observations de mammifères marins et d’oiseaux, on y boit une bière le soir, on peut aller au cinéma… Bref, sans lui les australes ne pourraient tout simplement pas être occupées, étudiées, ravitaillées... Ici la vie est rythmée par l’annonce des services (repas). Je suis du premier service, il y en a deux pour ne pas saturer la salle à manger. Donc petit déjeuner à 7h, déjeuner à 11h, dîner à 18h. Quelques conférences et obligations administratives s’intercalent entre les repas. Le reste du temps est divisé entre deux parts égales de travail au pc sciences (grands bureaux scientifiques sous la plateforme de l’hélicoptère, je vous écris depuis cette salle) et en observations naturalistes sur le pont.



Les repas à bord du Marion Dufresne



Le travail :

Pour faire simple je fais un peu de bibliographie et de lecture de protocoles. Mais j’ai du mal, tellement je suis captivé par tout ce qui se passe autour de moi. Je commence aussi mon travail d’agent de la réserve. A tout moment, on est appelé à avoir un discours sur la protection de îles australes. Il suffit d’une question de Nicolas ou de Richard au moment du repas pour amorcer la machine. Je me retrouve parfois à devoir « travailler » au bar à 23h :

Nicolas : « j’ai entendu qu’ils envoyaient un mec pour les chats, ils sont tordus quand même..

Richard : ouais tu dois être au courant, tu bosses pas pour la ResNat toi Clément ? »

Dans cette situation je ne peux pas juste esquiver la conversation même si je suis crevé, ces gars vont passer un an avec moi et j’ai besoin qu’ils comprennent et adoptent mon travail donc je dois leur expliquer et leur faire comprendre ces actions que je devrai mener. Je dois aussi m’occuper de la biosécurité avec les collègues : il faut s’assurer avant de descendre sur terre que l’on n'amène aucun être vivant avec nous (graines, petits insectes, rongeurs….). La solution ? Passer toutes nos affaires à l’aspirateur ;)


L'hélicoptère, seul moyen de transport des Australes


L’arrivée à Crozet :

Un fantôme dans la brume matinale… 5 jours que nous n’avons vu que la mer et se dessine devant nos yeux, sous un froid polaire (alors qu’ici c’est le printemps), une île d’une hostilité merveilleuse… Des dents noires, prêtes à déchirer la coque de n’importe quel navire qui s’approcherait trop prêt. Magnifique ! Depuis la Réunion, le nombre d’oiseaux, vus du bateau, n’a pas cessé de croître et aujourd'hui c’est un festival… Damier du cap, Albatros, Pétrels en tous genres, Prions, Océanites… L’île que nous avons alors en face de nous est l’une des îles de l’archipel de Crozet. L’île aux apôtres. Elle n’a pas été foulée depuis 40 ans. Le lendemain, nous atteindrons l’île de la possession, sur laquelle se trouve la base Alfred Faure... C’est le moment des adieux avec nos collègues qui vont rester sur cette île. Nous ne les reverrons que dans 14 mois, à bord de ce même bateau, et de l’eau aura coulé sous les ponts.


L’ île des Apôtres, mystérieuse, effrayante, magnifique


Les premières fois :

Je vous ai déjà parlé des oiseaux… Parmi les moments de grâce, il y a eu le premier grand Albatros : le plus gros oiseau volant au monde avec ses 3,10 à 3,50 m d’envergure. Mais aussi la magie d’un Skua qui fait du sur place à 50 cm de nos têtes à la proue du bateau, les poissons volants… Puis il y eut les premières Baleines à bosse, les premiers Orques. Hier, j’ai mis pour la première fois le pied sur Crozet et ce fut aussi la première visite d’une manchotière. Ce fut à couper le souffle… Voir toutes ces petites bêtes magnifiques et se rendre compte que cette fois, c’est du vrai, que je ne suis pas devant ma télé, sursauter à la vue de ces énormes éléphants de mer… les larmes viennent alors facilement tant le moment est intense. Il y a eu aussi le premier vol en hélico depuis le bateau… 2 mn d’extase qui te catapultent d’un endroit à l’autre. Notre pilote est capable de voler par des vents de 40kmh voire 50 ou 60, en se posant avec une précision chirurgicale sur le H de la DZ (la piste hélico).

Le Pétrel géant, vautour des Australes

Le Grand Albatros ou Albatros hurleur, plus grand oiseau volant au monde

Petit groupe de Baleines à bosse



Nous reprenons la mer ce soir, cap sur Kerguelen avec la promesse d’une mer agitée ! J’ai tellement entendu parler des 40 èmes rugissants et des 50 ièmes hurlants… j’ai hâte ! Arrivée prévue le 14 au soir sur base. Voilà, je vais retourner à mes protocoles avant le repas de ce midi (11h). Je suis très ému de vivre tout ça et j’espère vous le retranscrire au mieux !

Je rentre dans cette aventure, dans cette parenthèse d’un an…

… de l’éveil au rêve.

Clément.




 
 
 

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