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5 Merveilles et fin d'été...

  • Photo du rédacteur: Clement Clasquin
    Clement Clasquin
  • 12 févr. 2019
  • 7 min de lecture

Le 08/04/2019

21:50

Base de Port aux Français (PAF) / Golf du Morbihan / Archipel de Kerguelen / Terres Australes et Antarctiques françaises



Voilà quelques nouvelles fraîches de mon premier été dans les Terres Australes!


Je remercie toutes les personnes qui m'ont envoyé des messages qui m’ont tous fait chaud au cœur, et je suis désolé de ne pas avoir pu répondre à certains. Ici le temps coule autrement et l'on est tellement détaché des moyens de communication électroniques qu'on en oublie comment gérer ses mails. Cela dit, chaque mail reçu fait un bien immense et c'est donc un devoir que je me fixe de répondre à chacun du mieux que je peux.



La fin de l'été… En métropole c'est toujours une période que je redoute.. Les jours raccourcissent, le froid arrive, le travail reprend… Ici c'est une période contrastée, synonyme à la fois, de liberté et de solitude..


Ici à Kerguelen, les effectifs doublent lors de la campagne d’été, c'est-à-dire entre le mois de novembre (OP3) et le mois de mars (OP1). Beaucoup de scientifiques viennent pour cette période qui est idéale pour l’étude des oiseaux et des plantes. Tout ce beau monde fait doubler l’effectif de la base (de 40 à presque 100 personnes). L’OP0, qui a lieu fin Janvier, est déjà synonyme de départ pour beaucoup d’entre eux et L’OP1 qui vient de passer nous laisse à 42 personnes sur ce caillou magnifique pendant 5 mois. Nous entrons actuellement dans le début de la période creuse. Voir le bateau partir une nouvelle fois et les tables de Tiker se vider, me fait une drôle d’impression. Un peu comme si nous prenions tous notre envol : un peu d’appréhension mêlée à un grand sentiment de liberté. C'est l'un des sentiments les plus étranges que j'ai pu ressentir ici. Imaginez tout un village, voire toute une île, laissés à une bande de potes et vous aurez une idée du sentiment de liberté que j'ai pu éprouver. Imaginez les responsabilités qui en découlent et vous aurez une idée du sentiment de fierté que l'on a à ce moment. Imaginez maintenant voir un énorme bateau, synonyme du monde civilisé, dans lequel vous avez toujours vécu, s'éloigner un soir et vous laisser vous et vos 41 amis sur un des environnements les plus hostiles qui soit pour 6 mois, et vous aurez une idée de l'immense vertige dans lequel nous sommes soudainement plongés, nous, les 42 résidents de Kerguelen, pour l'année 2019.



Départ du Marion Dufresne…


Malgré cela, très vite, le quotidien et une certaine forme de routine (très relative) s’installent. On prend ses repères, on s’approprie les lieux, notre bureau notamment, on s’approprie les services à rendre à la base (poubelles, nettoyage des lieux communs, formation médicale pour devenir aide anesthésiste ou aide chirurgien, en cas d’accident pendant l’hiver…). Bref, tout prend forme. J’ai deux trains de vie complètement différents ici : les moments sur base et les « manipes » en site isolé qui constituent 70% de mon boulot. Lorsque je suis sur base, les journées sont rythmées par quelques jalons assez récurrents :


  • 8h00 : Tournée des cages pour la régulation des mammifères introduits (relève, réappâtage si nécessaire), j’en ai posées 20 tout autour de la base, et il me faut une bonne heure pour toutes les relever, à laquelle il faut ajouter 10 minutes à chaque fois qu’il y a une capture.

  • 12h00 : Déjeuner à Tiker, notre cantine. Un chef se charge de nous concocter de bons petits plats, c'est vital pour le moral!

  • 12h45 -13h30 : Café à Totoche, notre bar/café qui se situe au dessus de la cantine et dans lequel chaque mission laisse "un tableau de mission", témoignage du passage de chaque être humain qui a foulé cette terre.

  • 16h30 : Deuxième relève des cages.

  • 17h30 : Tout le monde derrière sa VHF (radio) pour la vacation du soir. On s’y raconte toutes les petites news, tous les renseignements importants…. Les VHF (zézettes en langage Taafien) sont notre moyen de communication avec les personnes extérieures à la base. Je me trimbale toujours avec, pour être à l’écoute de ce qui se dit et pouvoir aider un collègue qui aurait besoin d’infos.

  • 18h00 : Douche / 19h00 dîner à Tiker

  • 20h00 : Petite soirée à Totoche, ou chez les marins (marina), ou chez les partenaires (cantina) ou encore Cinéker

  • 23h00 : Au lit !!


Mais la plupart du temps, je ne suis pas sur base, je suis en "manipe"... Kécécé ?

Les manipes, ce sont nos sorties terrain (70% de notre travail). Chaque fois que nous devons intervenir sur des sites, il faut s'y rendre (entre 15 et parfois jusqu'à 40 km de marche sans aucun sentier). Une fois arrivés sur place avec, sur notre dos, de gros sacs comprenant notre matériel de terrain et nos effets personnels, nous dormons dans des cabanes plus ou moins confortables qui sont déjà ravitaillées en nourriture (ça de moins à porter sur notre dos). J’ai trois types de manipes pour mon poste de mamintro :


1) Tout ce qui concerne les rongeurs : détection avec des petits blocs de cire aromatisée à la cacahuète pour avoir des traces de dents, préparation d’éradication sur des îles et comptage avec des captures et des poses de boucles d’oreilles numérotées.

2) De la collecte opportuniste de données sur les troupeaux de rennes : prise de points gps, comptage…

3) Ma mission principale : protéger les nids de grands albatros en piégeant et en faisant des prélèvements par tir direct des chats haret.

La saison hivernale étant la plus propice à cette activité, je vais rentrer dans le gros de ma période de travail. A partir de fin avril, je vais faire des sessions de 11 jours consécutifs de régulation entrecoupées de 3 jours sur base.



Marcher, poser des cages…

…des pièges photographiques…

…arriver à la cabane, se reposer…

… et continuer à marcher…


La plupart des manipes se font sur « la grande terre », c’est l’île centrale de kerguelen. On se rend sur site en faisant un « transit », c’est cette rando avec sac à dos qui prend souvent un jour entier. Les autres manipes se font sur les îles du golfe du Morbihan. Le transit se fait par la voie des mers. Lors de la campagne d’été, la base dispose de deux moyens nautiques pour nous envoyer sur les îles : Le Zodiac « Comerson » qui fait moins d’une tonne pour 200cv et qui navigue à près de 40 nœuds (80km/h) et le Chaland « l’Aventure 2 », un bateau à fond plat qui ne dépasse pas les 10 nœuds (20km/h). Les sorties en mer ne se ressemblent pas. On peut tomber sur un calme plat, pas de vent, sieste sur le pont du chaland, bronzage, observation du paysage, des oiseaux, des cétacés. On peut aussi avoir une grosse mer, des creux de 3m, 100km/h de vent… Le chaland n’étant pas fait pour ce genre de conditions, il faut compter sur toute l’habileté du Bosco (le capitaine) pour arriver à bon port. Dans ces moments, on sent vraiment toute la signification des mots « conditions extrêmes », si on y ajoute l’isolement dans lequel se trouve Kerguelen, ce genre de sortie en mer provoque… comment dire… une certaine dose d’adrénaline.



Voilà les étapes d'un trajet en Zodiac

On s'équipe avec les bien nommées combinaisons Casimir


On embarque tant bien que mal (notez que le pilote, lui, a la classe, contrairement à nous)


On navigue à toute vitesse


On finit sur une île déserte avec ce drôle d'accoutrement, nos affaires dans le sac étanche jaune et un bidon de survie, au cas où on ne reviendrait pas nous chercher…



Pour le chaland, c'est différent.

Voici la machine par temps calme...


...et par 70 nœuds de vent

Ces 5 premiers mois m’ont permis de visiter un bon nombre de lieux, ici, à Ker… Des îles aux noms plus ou moins évocateurs : l’île longue (mon deuxième chez moi car j'y passe une semaine tous les mois), Guillou, Stoll, Colbeck 1, 2, 3 et 4, Simone, Françoise (des îlots qui font parfois la taille d’un terrain de foot, voire plus petit). J’ai aussi parcouru un peu la grande terre, à grandes foulées : Ratmanoff, Pointe Morne, Val Studer, Molloy, Baie Charrier, Val travers (vallée qui renferme des sources chaudes, un régal ;) )…

Curieusement, on en vient parfois à oublier la chance que l’on a d’être ici, la routine s’installe, on marche, on bosse, on mange, on dort mais tôt ou tard, quelque chose nous rappelle à l’ordre… Une tempête sur le chaland, des dauphins, un silence ABSOLU lors d’une rando, une cascade qui coule à l’envers, une cabane qui tremble sous une rafale de vent, des adieux déchirants lors d’une OP… Tout le monde a déjà vécu la douleur d’un adieu sur le quai d’une gare, dans un terminal d’aéroport. La violence d’un départ en hélico vécu depuis un district des australes n’a rien de comparable, je peux vous l’assurer. Les embrassades, les pleurs, les sourires émus se confondent avec le bruit des hélices et le vent. On ne sait plus où donner de la tête, tout le monde est là, l’hélico fait des aller-retours, puis, d’un coup, le silence, le vent, le froid… On se retourne, on se regarde, on est plus que quelques-uns… Où sont les copains ? Doucement, le Marion Dufresne s’éloigne dans un silence interrompu seulement par les cornes de brume du bateau auxquelles répondent les sirènes de la base qui hurlent à tue-tête. Un son déchirant, soufflé par le vent… Comme un dernier adieu à ceux avec qui l'on vient de partager chacun des jours de ces 5 derniers mois, et que l’on ne reverra peut être jamais. C’est aussi ça les Australes : la pureté de l’expérience que l’on vit, induit des moments comme ceux-ci, qui nous enrichissent autant qu’ils sont rudes.



Rencontre avec nos amis dauphins de Commerson (Cephalorhynchus commersonii)

Une soirée unique dans un endroit unique (ici Cataracte) après une séance de pêche à la truite mémorable ;)


On relâche tout ce qui est en dessous de 50cm ;)


Allez, je laisse le quart d’heure émotion derrière moi, le temps est venu de repartir en mission. A très vite!


Clément.











 
 
 

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