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7 Un coup de pied dans la fourmilière…

  • Photo du rédacteur: Clement Clasquin
    Clement Clasquin
  • 8 févr. 2019
  • 7 min de lecture

Le 31/08/2019

20:00

Base de Port aux Français (PAF) / Golf du Morbihan / Archipel de Kerguelen / Terres Australes et Antarctiques françaises




Je brise le petit silence qui s’est installé à mon insu pour vous raconter ce que j’ai vécu ces derniers jours et plus précisément ces dernières 72h… Tout se résume avec cet acronyme :

« OP2 2019 »

… Traduisez deuxième Opération Portuaire de l’année 2019

Les OP sont, en fait, les moments ou le Marion Dufresne, bateau ravitailleur des TAAF, fait escale sur les districts australs pour les ravitailler en vivres, matériel et personnel. Six mois se sont écoulés depuis la dernière OP. L’OP2 est certainement la plus importante de l’année car elle assure le ravitaillement après l’hiver et permet la relève de toute la base, sauf nous (les VSC). C’est aussi durant L’OP2 que la passation se fait entre l’ancien et le nouveau chef de district. Quatre jours pour laisser les clefs de Kerguelen à un inconnu.

Le Marion Dufresne au mouillage devant Kerguelen

Nous, à la réserve Naturelle, on ne participe pas à tout ça… Je rigole à moitié, en fait nous sommes guides touristiques pendant les OP. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu’au moment où toute la base est au taquet pour réaliser toutes les opérations logistiques en 4 jours, nous sommes amenés en hélicoptère avec les touristes sur sites isolés. Nous nous retrouvons seul ou à deux pour les encadrer lors de deux nuits en cabane et deux petites randos. C’est vraiment top mais on ne se la coule pas douce pour autant. On est chargés de la sécurité et du confort de 6 personnes qui ont déboursé, au bas mot, 8 000€ pour venir là. Il faut aussi animer les sorties et savoir répondre à de nombreuses questions (pas toujours simple, non plus, d’avoir réponse à tout).


Mes 72h se passent donc après la première visite touristique. Cette dernière était déjà une petite aventure en soi, avec un vol hélico de 20 minutes pour rejoindre ce petit coin de paradis perdu au fin fond des méandres du golf du Morbihan : Laboureur. Je sentais déjà que le courant passait super bien avec ce petit groupe de touristes. Voilà venu le temps de la récup hélico pour le retour sur base de tout ce petit monde. Suite du programme pour les prochaines heures : les touristes retournent dormir sur le Marion et moi sur base…. L’hélico arrive à Laboureur, l’adrénaline monte comme à chaque fois : faire attention que rien ne s’envole dans les pales de l’hélicoptère, attendre le signal du pilote, ouvrir la porte avant, ouvrir ensuite la porte arrière, récupérer les gilets de sauvetage, faire en sorte que tous les touristes les enfilent et montent dans l’hélico. Heureusement, Quentin (mon collègue de la ResNat) était avec moi à la manœuvre.



Laboureur, petit coin de paradis perdu au fin fond des méandres du golf du Morbihan


Au détour d'une vallée, un renne solitaire nous regarde curieusement


Le ballet des sternes est certainement l'un des plus beaux

Nous sommes donc dans l’hélicoptère en cette fin d’après midi du mercredi 28 août 2019, Christian (pilote presque à la retraite puisque c’est sa dernière rotation) fait décoller la machine avec une facilité déconcertante…


Allez, je partage avec vous quelques secondes d'un autre vol, toujours avec des touristes du Marion Dufresne. Ici, toujours Christian au manche de l'appareil. Nous avons décollé de la base et nous rendons justement à Laboureur en longeant la côte.


Le vol est magnifique, nous approchons le Marion au mouillage non loin de la base de Port-aux-Français. Christian tend soudain le doigt vers la gauche. A peine le temps de tourner la tête, l’hélico se met à faire des virages serrés en s’inclinant pour nous offrir la meilleure vue sur ce qui n'est, ni plus ni moins, qu’un petit groupe de rennes. Magnifique! Nous atterrissons quelques secondes plus tard sur la base. Je descends, puis l’hélicoptère repart aussitôt avec mon groupe vers le bateau… Je souffle un coup, puis fais visiter certaines infrastructures de la base à mon patron, arrivé avec le Marion le temps de l’OP.

Je regarde ma montre… Je n’ai plus que 30mn…. 30mn pour prendre ma douche, m’habiller avec les plus beaux vêtements que j’aie pu apporter, mettre un nœud papillon, du parfum puis me rendre à la résidence (mairie de Kerguelen) où je vais rejoindre le Disker, un tas d’autre gens et surtout Marc. Marc, médecin adjoint de Kerguelen m’a demandé, il y a déjà quelques mois, d’être son témoin de mariage (Baptiste et Solène, j’ai beaucoup pensé à vous et je me suis entraîné). L’émotion était palpable. Laurent, Disker sortant, est avant tout notre ami. C’est lui qui marie Marc et Mélanie (je ne connais Mélanie que depuis deux jours car elle vient exprès, juste sur cette OP2). Vincent, mon autre collègue ResNat est témoin de Marc lui aussi. Le témoin de Mélanie s’appelle Delphine, c’est la première fois que je la vois. Les regards trahissent la joie d’être ensemble et l’appréhension quant au départ prochain de Laurent, de Mélanie et de tous les amis de la mission 69 qui s’en vont. Nous passons une courte soirée marquée par la complicité et l’émotion.


Lendemain, réveil 5h, refaire son sac, petit-déjeuner à 6h, préparer les sacs de repas touristes et autres détails, puis sauter dans l’hélico dans lequel se trouvent déjà mes compagnons de la veille. En 10mn, nous sommes déposés à Grande cascade (un site qui porte bien son nom, vu qu’il est surplombé par une grande cascade). J’emmène mon groupe pour une marche de 8km. Les paysages sont intenses mais je suis focalisé sur l’itinéraire que la glace, qui s’est formée au sol, rend un peu dangereux. Tout le monde arrive à la cabane sans heurts, et l’après midi se déroule dans une atmosphère très détendue. Je trouve ce groupe parfait, plein de petites attentions chaleureuses et touchantes; ils ont apporté des bières pour le pique-nique du midi et du vin pour le soir ! Nous passons une agréable soirée avec ces 6 personnes, franchement intéressantes et sympathiques (Hervé, Amélie, Pierre, Isabelle, Jean-Louis et Joëlle). Pour les remercier, je leur ai apporté un petit trésor jalousement gardé… De la confiture de Mûre, concoctée amoureusement par Raffaella (maman, ta confiture a été appréciée)


30 août. Lever 6h. Nous petit-déjeunons donc avec plaisir, puis rangeons la cabane. Le trajet retour s’annonce costaud. Nous sommes sensés rentrer à pied aujourd’hui, en passant par la côte pour observer les éléphants de mer, les manchots et autres otaries. La météo transmise par VHF la veille, indique 50 nœuds de vent en rafales, avec de fortes averses de neige… J’appelle le nouveau Disker pour avoir l’autorisation de partir de la cabane et rentrer sur base à pied :

« -Si tu le sens, tu peux y aller !

-Alors, on y va ! »

A peine sortis de la cabane, une éclaircie arrive ! Au top. Nous marchons une bonne heure dans le vent mais sans trop de neige. Mais à peine sommes-nous arrivés à la côte, que le vent commence à siffler, la neige tombe… Ça y est, on se prend des rafales à 50 nœuds et de la neige en pleine face…

Mon petit groupe est pourtant presque aux anges; ils sont beaucoup à attendre de connaître aussi ce genre de conditions. Ils seront servis puisque cette tempête nous suivra quasiment jusqu’à notre arrivée à Port aux Français 1h30 plus tard.


Sur la route nous croiserons un petit groupe de manchots papous (Pygoscelis papua) que je suis revenu photographier après la tempête


Une fois sur base, nous apprenons que l’hélico est en panne et qu’un groupe de chantier est bloqué à une cabane à 6h de marche… Aussitôt, le Disker fait une réunion pour organiser une opération de sauvetage. Les gars n’ont pas embarqué de GPS, ils n’ont presque plus de batterie dans leur radio et ne sont pas suffisamment habillés pour marcher dans ces conditions hivernales. Avec Tobie, mon ami ornitho, David, le Gener (coordinateur logistique des VSC pour faire simple) et Caro, la médecin, nous nous portons volontaires pour mener à bien cette opération le lendemain. Nous préparons donc nos sacs, avec de quoi les habiller chaudement et efficacement pour un retour pédestre. Nos sacs sont à peine faits, que nous recevons une communication du bateau, comme quoi l’hélico est de nouveau en service, et qu’il va finalement rapatrier le groupe de chantier comme prévu initialement. Nous défaisons nos sacs. Après un adieu plus difficile que d’habitude avec mon super groupe de touristes, je vais me coucher; je suis crevé.

Dernier jour de l’OP… Le plus dur. Le départ de nos amis. David m’a demandé de faire la DZ avec lui. Il s’agit de s’habiller en pompier, de se mettre sur les lieux de déchargement du fret et d’indiquer au pilote où poser le matériel qui est attaché au bout d’un long câble (la sling). Il faut ensuite détacher le crochet et l’hélico repart. Lorsque c’est fini, on fait embarquer les passagers et on leur referme les portes. Un par un, nos compagnons s’en vont… Un par un, nous leur fermons les portes de l’hélico, nous faisons signe au pilote et il décolle. Le balai est incessant, puis vient le dernier hélico. Il est pour Laurent, l’ancien Disker, certainement l’un de ceux à qui nous nous sommes le plus attachés. Nous l’accompagnons jusqu’à l’hélicoptère, ses petits yeux nous fixent, les bons moments passés ensemble resurgissent dans nos têtes… la confiance accordée réciproquement pour un an, est honorée aujourd’hui… Nous nous regardons. David et moi fermons la porte, reculons de quelques pas sans arrêter de le fixer, nous nous prenons par l’épaule, la larme à l’œil, l’hélico décolle.


Le lendemain soir nous aurons une consolation à la hauteur de notre peine. Voyez vous même :











Petite précision, il s'agit bien d'aurores AUSTRALES et non Boréales. Nous sommes ici dans l'hémisphère Sud donc le mot exact est australe, voilà tout!



Je vous laisse avec ces photos de léopard des mers (Hydrurga leptonyx). Cette bête est rare ici, car Kerguelen correspond plus ou moins à la limite Nord de l'aire de répartition du joli petit mammifère marin à la dentition fournie. A la revoyure!







 
 
 

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